– « Si tu ne comprends pas ça c’est que tu n’es pas fait pour ce poste »…
– « Je ne dis jamais ce qu’il faut de toutes façons, je préfère me taire… »
Il arrive assez souvent que nos interactions avec les personnes de notre entourage se terminent sur des paroles ou des pensées de ce genre. Parfois nous restons avec une sensation de malaise, sans vraiment comprendre ce qui s’est passé et comment nous en sommes arrivés là… Et ces scènes ont la plupart du temps un gout de déjà vu, que ce soit avec cette personne ou avec d’autres… Parfois nous en voulons à l’autre, et nous pouvons même avoir l’impression de vivre de véritables situations de harcèlement. Nous sommes en réalité pris dans des relations de pouvoir, dans lesquelles nous avons notre part de responsabilité…
Si vous vivez ce genre de situation avec une ou plusieurs personnes de votre entourage, ce qui suit est pour vous…
Les relations de pouvoir nous permettent de répondre à nos besoins fondamentaux
Au même titre que nous avons des besoins physiologiques fondamentaux, nous avons, en tant qu’être humain, des besoins psychologiques fondamentaux. Selon l’Analyse Transactionnelle, ces besoins psychologiques sont au nombre de 3 : le besoin de structure, le besoin de stimulation et le besoin de reconnaissance.
Dans un grande part de nos interactions avec les autres, nous cherchons sans en avoir conscience à obtenir une réponse à ces besoins fondamentaux. Nous cherchons à attirer leur attention afin qu’ils répondent à nos besoins. De façon inconsciente, nous faisons pression sur l’autre pour obtenir ce que nous voulons.
L’autre a lui aussi ses besoins et cherche inconsciemment à y répondre à travers nous, en mettant en œuvre sa propre stratégie.
Quand les autres ne répondent pas à nos besoins, ou quand nous ne parvenons pas à attirer leur attention, nous pouvons rentrer dans de véritables tentatives de prise de pouvoir sur l’autre pour obtenir coute-que-coute cette attention dont nous avons tant besoin.
Cela crée des tensions, des incompréhensions, des relations de co-dépendance, et parfois même des conflits très difficiles à dénouer.
Tout cela est inconscient… tant que nous n’en avons pas pris conscience…
Et tant que nous n’en avons pas pris conscience nous ne pouvons pas nous débarrasser de ces comportements qui pourtant nous apportent de l’inconfort. Nous préférons penser que « c’est de la faute de l’autre » si ça ne va pas.
Nous avons chacun nos stratégies de prise de pouvoir privilégiées… C’est avec elles que nous rentrons en relation et provoquons inconsciemment des relations de pouvoir.
Nos stratégies de prise de pouvoir se construisent dans l’enfance
A peine venu au monde nous nous livrons à une lutte sans merci pour répondre à nos besoins : besoins physiques, besoin de stimulation, besoin de contacts, besoin d’attention…
Au début de notre vie, nous sommes entièrement dépendants de notre entourage, la plupart du temps nos parents, pour la réponse à nos besoins. C’est une question de survie. Nous ne sommes pas en capacité « d’aller chercher » ce dont nous avons besoin. Nous tentons donc d’attirer l’attention de nos parents pour obtenir ce que nous voulons. Peu à peu, en fonction de la réponse de nos parents à nos tentatives, en fonction de « ce qui marche » et de « ce qui ne marche pas », nous intégrons les schémas de comportements qui fonctionnent le mieux pour obtenir la réponse à nos besoins.
Nous développons de véritables stratégies pour obtenir l’attention et l’approbation de nos parents. Parfois notre tempérament de base, celui avec lequel nous arrivons sur terre, est approuvé par nos parents, et nous avons alors tendance à le renforcer.
« Mes parents ont-ils l’air content quand je suis gentil et que je fais des sourires? », si la réponse est oui, je vais avoir tendance à renforcer ce comportement, et je deviendrai peut-être quelqu’un dont on dira « c’est une personne gentille et agréable ».
« Mes parents sont-ils contents quand j’ai l’air sérieux et réfléchi ? », si la réponse est oui, je vais avoir tendance à intégrer ce comportement et je deviendrai peut-être quelqu’un dont on dira « il est sérieux et compétent »…
De plus, à mesure que nous grandissons, nous observons chez nos parents leurs façons de se comporter, en particulier leur façon à eux d’obtenir des réponses à leurs propres besoins.
« Est-ce que quand maman boude ou pleure papa s’intéresse à elle ? », si oui, je vais peut-être en déduire que si je suis malheureux on s’intéressera davantage à moi…
« Est-ce-que papa crie systématiquement quand il veut que je fasse quelque chose ? », si oui, je vais peut-être en déduire qu’autorité rime avec agressivité…
Par mimétisme et sans en avoir conscience, nous intégrons certains des comportements de nos parents… C’est parfois quand nous nous surprenons à agir avec nos propres enfants que nous prenons conscience du fait que nous reproduisons un comportement parental.
En résumé, nous arrivons sur terre avec un tempérament de base et des besoins fondamentaux. Notre tempérament de base est peu à peu façonné par les croyances et comportements que nous apprenons des stratégies qui maximisent nos chances d’obtenir une réponse suffisante à nos besoins. Les comportements et croyances de nos parents (et/ou autres figures d’autorité dans notre entourage) nous fournissent également des modèles que nous imitons la plupart du temps sans en avoir conscience. Le tout forme ce que nous appelons « notre personnalité ».
C’est avec notre personnalité qu’une fois adulte nous rentrons en relation avec les autres, et que nous essayons d’obtenir d’eux une réponse à nos besoins psychologiques. Et nous utilisons les mêmes stratégies que celles apprises dans l’enfance…
A la manière du petite enfant dont la survie repose sur l’attention de son entourage, nous exerçons une pression, nous cherchons à prendre le pouvoir sur l’autre pour qu’il réponde à nos besoins.
Les différentes stratégies dans les relations pouvoir. Et vous, quelle est la vôtre ?
On pourrait classer nos stratégies d’entrée dans les relations de pouvoir en 2 grandes classes : les stratégies « actives », voire même « agressives », et les stratégies « passives »
Les stratégies de prise de pouvoir actives
Ce sont celles à travers lesquelles nous cherchons activement à prendre le pouvoir sur l’autre pour obtenir réponse à nos besoins. Nous voulons nous sentir en contrôle de la situation. Nous voulons inconsciemment nous sentir intelligent, respectable, fort, puissant, bon, etc…
Nous nous plaçons « en position haute » par rapport à l’autre. Par exemple nous cherchons à l’intimider, à relever ses erreurs, à le surveiller, nous l’accablons de questions, ou nous l’observons avec un regard désapprobateur… Ou alors nous cherchons à l’aider sans qu’il l’ait demandé, à faire à sa place, à lui donner des conseils…
Nous nous comportons comme un parent vis-à-vis de son enfant, soit en cherchant à imposer notre point de vue en manifestant une autorité intimidante, soit en cherchant à surveiller et contrôler l’autre, soit en cherchant à l’aider sans qu’il l’ait demandé.
Nous espérons obtenir ainsi l’attention et la reconnaissance pour notre « position supérieure » de celui qui sait, qui gère, qui a raison, qui est généreux…
Parfois c’est très subtile… Un simple regard peut-être intimidant, une simple question peut être « contrôlante » ou une volonté d’aider peuvent constituer une prise de pouvoir sur l’autre.
La plupart du temps nous avons appris ces stratégies « actives » par mimétisme vis-à-vis des figures d’autorité de notre enfance.
Quelques exemples :
– « Si vous n’êtes pas capable de comprendre ça c’est que vous n’avez rien à faire dans notre entreprise »
– « C’est bien la peine de faire des grandes études si vous n’êtes pas capable d’aligner 3 mots sans faire de fautes »
– « Pourquoi es-tu si désordonné ? »
– « J’aimerais comprendre la raison de votre retard »
– « Ca n’a pas l’air d’aller aujourd’hui. Tu devrais faire davantage de sport »
Les stratégies de prise de pouvoir passives
Ce sont celles à travers lesquelles nous manipulons les autres à partir d’un comportement de faiblesse, de culpabilité, d’irresponsabilité ou d’indifférence. Nous cherchons à attirer l’attention de l’autre par ces comportements.
Ces stratégies peuvent se manifester par de la plainte, ou par le retrait physique ou psychologique.
Nous nous plaignons de notre situation, nous racontons combien nous sommes malheureux, combien la situation est difficile, combien nous sommes « coincés ». Dans ce premier cas, nous avons tendance à appeler un comportement de « sauveteur » chez l’autre, qui va s’empresser de nous donner des conseils ou de nous secouer. Ce faisant il répond à nos besoins fondamentaux, en particulier le besoin d’attention.
Ou alors nous nous retirons dans une attitude d’indifférence, dans le mutisme, ou le mensonge. Bref, nous nous échappons, et nous échappons à l’autre, qui, se sentant mis à distance va chercher à se rapprocher de nous, à comprendre pourquoi nous sommes si distant, à connaître la vérité. Ce faisant il nous témoigne l’attention et la stimulation dont nous avons besoin.
Lorsque nous nous comportons de la sorte nous reproduisons des comportements de notre enfance qui nous permettaient d’obtenir ce dont nous avions besoin à ce moment là.
Quelques exemples :
– « Bof, c’est dur en ce moment… » en réponse à la question « Ça va ? »
– S’excuser en permanence
– Bouder, se replier sur soi
– Disparaitre physiquement ou psychologiquement
– Fuir le contact
Les relations de pouvoir : une affaire de coresponsabilité
Souvent nous attirons et sommes attirés par des personnes qui ont des stratégies complémentaires aux nôtres.
Quelqu’un qui a une stratégie « active », par exemple qui veut « aider », aura tendance à attirer des personnes qui sont plutôt dans la plainte. La première attire l’attention en se montrant « forte », et la deuxième en se montrant « vulnérable ». Chacun attire l’attention de l’autre.
Quelqu’un qui est dans le contrôle de son environnement aura tendance à être attiré par des personnes dont la stratégie est le retrait.
Ce n’est pas un problème en soi, des quantités de couples, d’amitiés, et d’associations professionnelles fonctionnent de cette manière. Cela devient un problème quand cette relation est génératrice de souffrance.
Ce type de relation constitue un équilibre précaire. Tout va bien tant que l’autre répond de façon satisfaisante à notre besoin.
Mais dès l’instant où l’un des deux ne reçoit pas une réponse suffisante à son besoin d’attention, ou ressent une pression trop grande de la part de l’autre qui cherche lui aussi à répondre à son besoin d’attention, il se retrouve alors « en manque d’énergie ». Il aura tendance à amplifier son mécanisme pour attirer l’attention (se plaindre davantage ou adopter des comportements de plus en plus contrôlant), jusqu’au moment où devant l’inefficacité de sa démarche, il pourra mettre un autre mécanisme en œuvre, comme par exemple se retirer de la relation.
Dans cette bataille pour attirer l’attention de l’autre, les deux sont perdants au final.
Alors pourquoi continuons-nous ? Simplement parce que nous ne savons pas faire autrement et que le besoin d’attention est vital.
Comment faire pour ne pas tomber dans les relations de pouvoir et améliorer nos relations ?
Tout d’abord reconnaître ce besoin d’attention et de reconnaissance. Ce n’est pas lui le problème. Le problème c’est notre façon d’y répondre.
Ensuite, en matière de développement personnel, il y a un maître mot : l’observateur intérieur.
La première chose à faire est de prendre conscience de nos stratégies privilégiées. Nous en avons généralement une favorite, même si nous pouvons en utiliser d’autres. Pour cela, nous devons nous observer nous-même en interaction avec les autres. Lorsqu’un malaise, un stress, une tension, un conflit survient, c’est que notre stratégie est en train d’échouer ou que celle de l’autre nous contraint à donner notre énergie à nos dépends.
Il convient alors de prendre du recul et de prendre conscience du fait que nous avons agi dans le but inconscient d’obtenir l’attention ou la reconnaissance de l’autre. Le descriptif des différentes stratégies ci-dessus peut vous y aider.
Une fois votre besoin reconnu, vous êtes alors en mesure, si vous le souhaitez, de faire une demande explicite à votre interlocuteur au lieu d’essayer d’obtenir de façon détournée de l’attention de sa part. Si, avec le recul, vous pensez qu’il n’est pas la bonne personne pour répondre à votre besoin, il sera sage de chercher à y répondre d’une autre façon ou avec une autre personne…
Une revue de votre enfance et des mécanismes qui étaient à l’œuvre dans votre famille peut être d’une aide précieuse. En vous posant des questions telles que « Quand mes parents étaient-ils le plus fiers de moi ? », « Comment se comportaient ma mère/mon père ?» etc… vous serez en mesure d’identifier dans vos comportements actuels les comportements de votre enfance et ceux que vous avez pris de vos parents.
Une aide extérieure est souvent nécessaire pour faire ce travail, car nous voyons la vie et les autres à travers le filtre de nos croyances et comportements stéréotypés, et il est très difficile de s’en extraire seul. Le coaching peut vous y aider.