Les tensions interpersonnelles sont inévitables et naturelles quand des personnes travaillent ou vivent ensemble. Cependant, ces tensions s’enveniment parfois au point d’accaparer l’énergie de la ou des personne(s) impliquée(s). Conséquence? Stress et dégradation de la performance individuelle et collective…
Que se joue-t-il en nous pour que nous en arrivions à rentrer en conflit avec quelqu’un? Pourquoi avons-nous chacun un scénario de conflit de prédilection ? Quel est le vôtre ? Que faire pour prévenir et gérer les conflits au travail, que nous soyons directement impliqué, ou que nous soyons en charge de gérer les conflits en entreprise entre des collaborateurs?
Au niveau des individus, les conflits au travail engendrent de la souffrance au travail et un stress croissants. Les difficultés relationnelles sont en effet une des grandes causes de stress au travail.
Au niveau de l’organisation, cela génère une dégradation de la performance de l’entreprise: Un groupe est performant quand ses membres concentrent au maximum leur énergie vers l’atteinte de l’objectif commun. Lorsque les difficultés relationnelles sont trop fortes, les personnes ont moins d’énergie disponible pour servir l’objectif commun.
Le maintien de la qualité des relations interpersonnelles est donc indispensable à la performance de l’entreprise et à la qualité de vie au travail.
Qu’est-ce qu’un conflit ?
Chacun d’entre nous a des intérêts, des buts et des besoins qui lui sont propres. Et chacun tente légitimement d’y répondre, dans sa vie en général et dans sa vie professionnelle en particulier.
Lorsque des obstacles à la satisfaction de nos buts ou besoins se dressent, des tensions internes surviennent. Si pour nous notre collègue ou notre manager incarne cet obstacle, nous ressentons des tensions dans la relation avec lui. Si nous n’y prenons pas garde, cette tension peut se transformer en conflit lourd de conséquence à la fois pour notre bien-être et notre santé, et pour la performance de l’entreprise.
C’est ce qui peut se passer par exemple quand 2 personnes sont concurrentes.
Sybille et Arnaud visent tous deux le même poste qui vient de se libérer, et qui constituerait une promotion pour eux. Tous deux veulent se faire remarquer par leur manager. Ils mettent chacun en place des stratégies qui leur sont propres pour arriver à leurs fins. La stratégie de l’un agace l’autre et vice-versa. Ils finissent par se détester ouvertement. Chacun voit en l’autre un obstacle à sa réussite.
Dans cet exemple, le but et l’obstacle à son atteinte sont clairement identifiables : Le but est d’obtenir une promotion, et l’obstacle identifié est le collègue.
A la source d’un conflit, il y a souvent un malentendu, mais pas de hasard…
Souvent, c’est plus subtil et plus inconscient que dans l’exemple de Sybille et Arnaud. En réalité, la majorité des tensions et des conflits repose sur des malentendus. Les malentendus résultent d’une interprétation « erronée » par une personne A, des paroles et des attitudes d’une personne B.
A réagit aux comportements, paroles ou attitudes de B, à partir de l’interprétation qu’il en fait. Interprétation qui n’a aucun lien avec les intentions de B. Des tensions surviennent, et par jeu d’action-réaction, la situation s’envenime.
Depuis plusieurs semaines, Julien est fermé quand il arrive au travail. Il parle à peine à sa collègue Marie qui partage le même bureau que lui.
Marie est de plus en plus mal-à-l’aise. Ce qui compte vraiment pour elle au travail, c’est la relation avec ses collègues. Elle est toujours prête à rendre service et tout le monde l’aime bien. Elle essaie de parler à Julien mais celui-ci n’a manifestement pas envie de lui parler… Elle est vraiment perturbée… Elle se creuse la tête pour savoir ce qu’elle a bien pu faire pour mériter ce changement d’attitude de Julien à son endroit. Elle a bien une idée, et se sent vaguement coupable… C’est vrai qu’elle a dit des choses dans son dos il y a quelques jours… Elle n’aurait pas dû… Vraiment elle s’en veut… c’est toujours pareil, elle ne sait pas tenir sa langue… Elle a besoin de se confier et ça lui retombe dessus… Devant le mutisme de Julien, Marie se replie sur elle-même et commence à déprimer… Elle ne parvient plus à faire son travail correctement, fait des erreurs qui engendrent une surcharge de travail pour son collègue Julien qui n’a pas besoin de ça en ce moment… Julien est agacé et la relation avec Marie se dégrade sensiblement…
L’exemple ci-dessus décrit un malentendu qui dégénère en conflit : Si Julien est fermé quand il arrive au travail, c’est qu’il a des problèmes familiaux. Pour lui, on ne mélange pas vie en entreprise et vie privée. Il n’évoque donc pas ses problèmes personnels. Cependant il est très préoccupé, son visage est fermé et il ne parle pas. Marie interprète le mutisme de Julien comme lui étant destiné directement. Elle se sent rejetée et en souffre au point de déprimer. Son travail s’en ressent, ce qui dégrade encore la relation et nuit à l’efficacité.
Dans un malentendu, l’interprétation est « erronée », mais pas ne se fait pas au hasard. En réalité, si nous choisissons inconsciemment d’interpréter la situation de cette façon, c’est qu’elle correspond à un « point d’accroche » en nous. En fait, elle va dans le sens d’une vulnérabilité que nous portons déjà en nous, ou d’un reproche que nous nous faisons déjà…
La vie en entreprise peut être un terrain particulièrement propice au réveil des zones de vulnérabilité. En effet, le système plus au moins hiérarchisé de l’entreprise implique des relations avec des « figures d’autorité » (dites relations transférentielles), qui peuvent réactiver des émotions liées à des situations passées mal vécues.
Et vous, quel est votre point d’accroche ?
Nous avons chacun intégré des stratégies pour satisfaire un de nos besoins fondamentaux en tant qu’être humain, le besoin de reconnaissance.
Adulte, nos choix de vie, choix de relations, comportements… sont guidés par des croyances que « pour être quelqu’un de bien, il faut faire, ou être, comme-ci ou comme ça » :
Par exemple, vous pouvez avoir intégré la croyance que pour être quelqu’un de bien vous devez « Etre gentil », ou « Ne pas déranger », ou « Devenir chef », ou « Faire du travail parfait », ou « Etre une bonne mère » ou « Etre courageux », « Vous donner du mal » etc…
Nous avons chacun plusieurs croyances de ce type. Si nous n’avons pas travailler à en prendre conscience, elles restent inconscientes.
Ces croyances nous structurent et peuvent être le fondement de valeurs et choix de vie qui nous rendent heureux.
Mais lorsqu’elles sont trop présentes, et d’autant plus quand elles sont inconscientes, elles nous font voir la réalité à travers leur prisme, limitent nos possibilités d’épanouissement, et génère crispations et tensions. Chacune de ces croyances fortes constituent alors un « point d’accroche », une zone de vulnérabilité. Elle est alors une porte d’entrée aux conflits interpersonnels.
Dans l’exemple ci-dessus, Marie a la croyance qu’elle ne sera quelqu’un de bien que si elle est aimée. Elle se plie en quatre pour se faire aimer, fait passer les besoins des autres avant les siens… Et surtout, elle a une sensibilité particulière au moindre signal qui pourrait lui laisser penser qu’elle n’est pas aimée, car sa grande peur, c’est de ne pas l’être. La réaction de Marie peut paraître disproportionnée à qui n’a pas intégré la même croyance qu’elle.
En fait, Marie interprète la réalité avec le prisme de sa croyance, et interprète le mutisme de Julien comme un « je ne suis pas aimable ». Elle ressent des tensions de plus en plus fortes dans la relation, se met à être moins efficace, ce qui renforce encore les tensions avec son collègue et son impression de ne pas être aimée.
Nous avons tous des points d’accroche, généralement 1 ou 2 particulièrement présents.
Ils correspondent à des besoins importants pour nous. Tellement important que tout ce qui viendra remettre en cause la réponse à ces besoins créera des tensions internes et interpersonnelles, et parfois des conflits. Des conflits ayant souvent pour origine un simple malentendu…
Quand les points d’accrochent rentrent en résonance…
Il arrive parfois que les points d’accroche de 2 personnes rentrent en résonance.
Julien a pour sa part intégré la croyance que pour être quelqu’un de bien, il doit faire du travail parfait, dans les temps impartis. Mais seulement voilà, sa collègue Marie semble tout à coup avoir perdu la tête. Elle est nerveuse, et préoccupée, et il l’a même vu pleurnicher dans son coin. Le problème, c’est qu’elle accumule erreurs sur erreurs… Julien est directement impacté car il a besoin du travail de Marie pour pouvoir faire le sien. Il sent qu’il ne parviendra pas à terminer son travail pour la date donnée, à moins de le bâcler, idée qui lui fait horreur. Il est de plus en plus tendu à cette idée, assaille Marie de questions et devient franchement désagréable… Marie perd encore davantage ses moyens…
A la fin, Julien est obligé d’admettre qu’il ne pourra pas faire son travail dans les temps. Il est déprimé…
Dans cet exemple, les points d’accroche de Marie et de Julien sont entrés en résonance et ont conduit à une amplification des tensions dans la relation.
Que faire pour prévenir gérer les conflits au travail?
A la source de toute tension ou tout conflit, on retrouve un obstacle à la satisfaction d’un besoin important pour la ou les personnes.
Dans les malentendus, qui sont à l’origine de la plupart des conflits, notre « point d’accroche » nous conduit à ajouter à la réalité de l’information construite de toutes pièces, qui vient faire écho à nos points de vulnérabilité.
Que les points d’accroche des protagonistes rentrent en résonance ou pas, le malentendu peut conduire à des graves conflits au travail qui n’ont plus aucun lien avec la situation de départ. Les protagonistes peuvent finir par ressentir de la haine et chercher à se nuire directement ou indirectement (se faire des sales coups, ruiner la réputation de leur collègue…)
Pour notre bien-être au travail et notre équilibre en général, nous avons intérêt à repérer nos points d’accroche afin de mieux nous connaitre et nous permettre d’instaurer des relations saines avec notre entourage.
De plus, il est important pour la performance de l’entreprise et la qualité de vie au travail de prévenir les conflits, et d’intervenir une fois qu’ils sont là…
Voici quelques conseils :
Etre attentif à ce que nous ressentons, et repérer les situations qui se reproduisent
Un point d’accroche correspond à un besoin important. Cela vaut le coup de l’identifier pour être capable ensuite de trouver des façons saines de répondre à notre besoin et s’éviter tensions et conflits.
En repérant les mécanismes répétitifs de tension dans vos relations, vous identifierez votre ou vos principaux points d’accroche. Le stress est un bon indicateur (voir l’article « Stress et Burn out en entreprise: comment faire face? »). Quand vous ressentez du stress dans une relation, c’est sans doute le signe qu’un point d’accroche est touché. Vous pouvez avoir besoin d’être aidé pour en comprendre le sens, par exemple par un Coaching Gestion du Stress. Il peut être difficile d’avoir le recul nécessaire sans l’aide d’un œil extérieur. Un coach peut vous aider.
Une bonne connaissance de soi aidera chacun à « nettoyer ses lunettes » pour limiter les interprétations de la réalité pouvant mener à un malentendu. Elle nous permet d’avoir le recul suffisant pour tenter de résoudre le problème au lieu de camper sur nos positions. Cela nous permet aussi d’anticiper pour la fois d’après…
Apprendre en entrer en relation de façon constructive
Fort de cette connaissance de nous-mêmes, nous pouvons apprendre à rentrer en relation de façon positive et constructive, et ainsi agir pour résoudre les tensions interpersonnelles avant que celles-ci ne dégénèrent. C’est pour chacun l’occasion d’exprimer son ressenti, ce qui suffit souvent à lever le malentendu. En exprimant votre besoin sans faire de reproche à l’autre, et en faisant une demande claire, vous mettez toutes les chances de votre côté pour que votre besoin soit entendu et respecté. Chacun en sortira grandit, et cela renforcera la confiance, donc la performance individuelle et collective.
Favoriser la connaissance de soi et le développement relationnel des personnes en entreprise
La formation et le coaching professionnel sont des aides précieuses pour aider vos collaborateurs à mieux se connaitre et à mieux entrer en relation, ce qui a un impact sur la performance de l’entreprise. La formation apporte surtout de l’information pour aider à comprendre les mécanismes humains en général. Le coaching est une aide personnalisée, qui part de la problématique spécifique de la personne, l’aide à prendre conscience de son fonctionnement et à changer ses comportements.
Manager, gérer les conflits qui ne sont pas résolus par les protagonistes
Parfois, le conflit est tellement enkysté qu’il est impossible aux protagonistes d’avoir le recul suffisant pour envisager une résolution par eux-mêmes. C’est alors au manager ou au responsable RH ou autre d’intervenir. Il doit alors agir en facilitateur, c’est-à-dire créer les conditions les plus favorables possibles à l’échange entre les personnes, sans prendre parti. Il doit garder en tête que si le conflit en est arrivé là, c’est qu’il implique des zones de vulnérabilité particulièrement sensibles, et des besoins importants pour la ou les personne(s). Il en tiendra compte dans sa façon de faciliter l’échange.
Conclusion
Pour votre bien-être au travail et dans votre vie en général, comme pour maintenir vos performances professionnelles, vous avez intérêt à avoir conscience de vos croyances et de vos besoins sous-jacents. Cela vous aidera à ne pas trop être le jeu de vos « points d’accroche », et à identifier comment répondre sainement à vos besoins, sans rentrer dans des conflits énergivores.
Le coaching professionnel est un outil privilégié pour réaliser ce travail de connaissance de soi. Il vous permet de mieux vous comprendre et de mieux comprendre les autres, pour des relations de travail agréables et efficaces. En aidant les personnes et les groupes à grandir en conscience, le coaching professionnel aide à prévenir et à gérer les conflits en entreprise.